Biais et incertitude de mesure

De nombreux instruments fournissent des résultats avec un biais (décalage par rapport à la réalité) qui majore ou minore la valeur recherchée.

Cette dérive systématique est parfois difficile à détecter surtout quand elle est faible par rapport au résultat et dans ce cas, l'opérateur, généralement n'en tient pas compte, mais sur l'analyse de traces par exemple, son impact peut avoir des conséquences non négligeables et il va falloir l'intégrer dans le résultat ou dans l'incertitude.

C'est sur ce second choix (l'incertitude) que nous allons tenter d'apporter un peu plus de clairvoyance.

Quelques déclarations de bon sens:

- L'incertitude finale doit être supérieure ou égale à l'incertitude qui aurait été fournie si le biais avais été corrigé.

- La sous-estimation de l'incertitude indique une déclaration d'incertitude non valide, de même, une surestimation de l'incertitude indique un budget d'incertitude mal construit.

- La méthode doit se limiter à la méthode proposée par le Guide (GUM) lorsque la correction du bais est appliquée.

- Pour tout facteur d'élargissement et toute amplification du biais, le niveau de confiance de l'incertitude élargie devrait être au moins au niveau obtenu dans le cas du biais corrigé, par exemple, si la distribution de valeurs qui pourraient raisonnablement être attribuées au mesurande est gaussienne, alors k = 2 devrait impliquer au moins 95% de confiance.

- La méthode doit être transférable afin que l'incertitude et le biais d'un résultat puissent être utilisés comme composants dans une autre déclaration de l'incertitude.

Rappels de quelques notions:

Les résultats de mesures doivent être corrigés du biais et l'incertitude de la correction du biais devrait être incluse en tant que contribution à l'incertitude standard combinée.

Cependant, quand la correction du biais de la mesure n'est pas possible, il devrait être pris en compte explicitement dans la déclaration d'incertitude.

Une déclaration complète de l'incertitude comprend l'incertitude combinée standard (calculée comme si le résultat de la mesure devait être corrigé du biais), une déclaration explicite de la valeur du biais et une incertitude élargie qui inclut un terme contenant le biais.

La méthode habituelle d'utilisation de l'incertitude élargie U, pour un résultat de mesure y qui possède une valeur inconnue ("vrai") du mesurande Y, est de produire un intervalle d'incertitude (avec un niveau de confiance déterminé par le facteur d'élargissement K) tel que :

Par conséquent, le résultat de la mesure est souvent donné par: y ± U.

Dans le cas où le résultat est corrigé d'un biais δ, un intervalle d'incertitude similaire peut être construit pour le résultat de la mesure corrigée ycor = (y-δ) donnée par:

ycor – U≤Y≤ycor + U

Ceci est équivalent à l'intervalle d'incertitude de: Y– (U + δ)≤Y≤Y + (U – δ)

En conséquence, le résultat de la mesure pourrait être énoncé comme:

Cela peut conduire malheureusent à la possibilité que l'une des limites de l'incertitude peut devenir négative, par exemple, si le biais est positif et δ>U alors la limite supérieure de l'incertitude sera négative.

Cela peut apporter de la confusion chez les opérateurs, en particulier lors d'une déclaration de conformité, par conséquent, on doit imposer une condition supplémentaire: les limites d'incertitude doivent être supérieures ou égales à zéro pour toutes valeurs de δ.

Comparaison des différentes méthodes pour combiner le biais à une incertitude:

Si nous comparons la méthode proposée pour le traitement du biais non corrigé avec deux autres techniques qui sont proposées pour résoudre ce problème.

La première méthode traite le biais non corrigé comme une autre source d'incertitude et la somme simplement avec l'incertitude type composée, on note cette méthode RSSuc.

La seconde méthode somme le biais avec l'incertitude élargie, on note cette méthode RSSU.

En revanche la troisième méthode proposée résume algébriquement le biais avec l'incertitude élargie (sauf si le biais est grand), on désigne cette méthode SUMU.

Les trois méthodes sont présentées ci-dessous:

- Méthode RSSuc : Y = y ± U (RSSuc) avec:

Souvent utilisée dans les normes de manière consensuelle mais pas pertinente statistiquement

- Méthode RSSU : Y = y ± U (RSSU) avec:

- Méthode SUMU : Y = y ± U avec:

avec δ>0 et si k.uc-δ>0; 0 si k.uc-δ≤0

avec δ<0 et si k.uc+δ>0; 0 si k.uc+δ≤0

On remarque des différences importantes entre les trois méthodes.

Les trois graphiques ci-dessous affichent la confiance statistique réelle des trois méthodes par rapport au biais non corrigé pour des facteurs d'élargissement k = 1, 2, et 3.

Les distributions sont supposés gaussiennes (normales) dans tous les cas.

Par exemple, dans le cas k = 2, on aimerait idéalement maintenir 95% de confiance pour toutes les valeurs du biais non corrigé.

La méthode (SUMU) maintient cette confiance jusqu'à ce que le rapport du biais sur l'incertitude standard combinée devienne plus grand que le facteur d'élargissement.

Pour des grandes valeurs de biais, la méthode SUMU produit des intervalles d'incertitude qui sont légèrement plus conservatrices (plus grande que nécessaire pour produire des niveaux de confiance valides à 95%.)

La méthode RSSuc, d'autre part, peut produire des incertitudes qui sont beaucoup plus grandes que nécessaire.

Par exemple, avec k=2 et un biais deux fois plus grand que l'incertitude standard combinée (δ/uc=2), le niveau de confiance de l'intervalle réel atteint près de 100%, plutôt que le nominal à 95%.

Bien que cette surestimation de l'incertitude ne soit pas nécessairement catastrophique, elle peut entrainer une réduction plus importante de la zone de spécification.

En revanche, la méthode RSSU sous-estime significativement la vraie incertitude.

Par exemple, avec un facteur d'élargissement k = 2 et un biais non corrigé deux fois plus grand que l'incertitude standard combinée (δ/uc = 2), l'intervalle de l'incertitude est sous-estimé dans la mesure où la confiance réelle atteinte est inférieure à 80 %, ce qui est très loin du niveau de confiance nominal de 95%.

Les trois figures ci-dessus montrent les tailles relatives de l'intervalle de l'incertitude élargie pour chacune des trois méthodes en fonction du biais non corrigé, pour des facteurs d'élargissement: k = 1, 2, et 3.

L'échelle des ordonnées sur le côté gauche définie la pleine largeur de l'intervalle d'incertitude divisé par l'incertitude type combiné et par conséquent le rapport serait égal à 2 k (où k est le facteur d'élargissement) si le biais avait été corrigé.

Comme on peut le constater, la méthode SUMU produit toujours l'intervalle d'incertitude élargie le plus petit par rapport aux autres méthodes et cela pour toutes les valeurs du biais et des facteurs d'élargissement.

Un exemple de la façon dont la taille de l'incertitude élargie pourrait avoir un impact est indiqué sur l'axe des ordonnées de droite.

Cet axe décrit le pourcentage de la zone de spécification qui est utilisé par l'intervalle de l'incertitude élargie pour le cas peu typique où le rapport de la zone de spécification sur l'intervalle d'incertitude élargie (si le biais a été corrigé) est de 4:1.

La méthode SUMU utilise le plus petit pourcentage de la zone de spécification par rapport aux deux autres méthodes.

Par exemple, pour k=2 et pour un biais non corrigé égale à quatre fois l'incertitude standard combinée (δ/uc=4), la méthode SUMU utiliserait 37,5% de la zone de spécification (comparativement à 25% si le biais avait été corrigé), alors que les méthodes RSSU et RSSuc utilisent 56% et plus de 100%, respectivement.

Les figures illustrent le fait que, des trois méthodes décrites, la méthode SUMU offre un avantage significatif lorsque le biais non corrigé est intégré dans l'incertitude.

Cette méthode maintient toujours un niveau de confiance réelle supérieure à la confiance nominale correspondant au facteur d'élargissement utilisé.

Alors que ces exemples sont basés sur une distribution gaussienne, la méthode SUMU conserve cette relation (entre k et le niveau de confiance) pour toute forme de distribution parce que l'intervalle résultant contient toujours au moins le même intervalle que si le résultat avait été corrigé.

La méthode SUMU minimise le pourcentage de la zone de spécification utilisé par l'intervalle de l'incertitude élargie.

En outre, la méthode permet d'éviter des incertitudes élargies négatives, ce qui pourrait être une source de confusion pour l'opérateur lors de la détermination de la zone de conformité.

Les exemples suivants sont établis avec la méthode consensuelle: RSSuc.

Exemple 1 avec une incertitude du biais de type A:

Considérons un résultat de mesure Y ayant un biais δ1.

Supposons que δ1 soit évalué directement par des mesures répétées d'un étalon ayant une incertitude-type composée uref et comme étant l'écart moyen entre la valeur d'étalonnage de l'étalon et les n mesures.

Notons s l'écart-type expérimental des n mesures, l'incertitude estimée de type A est alors s/√n.

uw représente l'incertitude intra-laboratoire obtenue dans le laboratoire sur l'étalon.

Dans cet exemple δ1<0 et kuc1+δ1> 0.

Application numérique N°1

Supposons qu'un appareil de mesure soit conçu pour contrôler des pièces de longueur 100 mm et a été vérifié avec une cale de référence ayant une incertitude type composée de Uref = 1,5 µm.

15 mesures ont été enregistrées avec un écart-type expérimental de 3,0 µm avec un résultat moyen de 4,0 µm inférieur à la valeur de référence: le biais est négatif.

Incertitude intra-laboratoire: uw=2,5 µm.

Par conséquent:


avec une probabilité de 95% (K=2)

Exemple 2 avec une incertitude du biais de type B:

Pour certaines mesures, le biais peut être estimée plutôt que directement mesuré.

Par exemple, les mesures de longueur ne sont souvent pas corrigées à la température standard de 20°C.
Ainsi, la dilatation thermique non corrigée représente un biais de mesure.
Supposons que la température d'une barre métallique varie entre 20 et 30°C sur une moyenne estimée de 25°C.

L'ampleur estimée du biais est donnée par δ2 (δ2> 0) qui représente l'écart de longueur due à la dilatation thermique non corrigée sur les 5°C.
La variabilité de la température peut être décrite par une distribution rectangulaire sur 10°C, c'est à dire par une incertitude type de 2,9°C (10/2√3) qui, lorsqu'elle est multipliée par le coefficient de dilatation thermique approprié, donne lieu à l'incertitude type correspondante utemp.

uw représente l'incertitude intra-laboratoire obtenue dans le laboratoire sur l'étalon.

Dans cet exemple δ2> 0 et kuc2-δ2> 0.

Application numérique N°2:

Supposons une machine de mesure qui mesure la longueur de barres de 100 mm avec une incertitude type uref = 1,5 µm, et l'échelle de l'appareil présente un coefficient de dilatation thermique de 9 µm/m/°C, et la barre mesurée présente un coefficient de dilatation thermique de 22 µm/m/°C.

La dilatation thermique différentielle est 22 µm/m/°C - 9 µm/m/°C = 13 µm/m/°C, correspondant à un biais moyen de:

13 µm/m/°C x 5 °C x 0,100 m = 6,5 µm

L'incertitude type associée à la variation de la température (modélisée comme une distribution rectangulaire) est donnée par:

utemp = 13 µm/m/°C x 0,100 m x 2,9°C = 3,8 µm

Incertitude intra-laboratoire: uw=2,5 µm.

Par conséquent:

avec une probabilité de 95% (K=2)